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    Comprendre la violence contemporaine dans l’histoire (par Serigne Babakar Diop)

    1 janvier 1970 by Logitrans0News

    By Yenn Gni SENENEWS.COM- Rares sont aujourd’hui, les régions du monde, épargnées par la violence exercée au nom de l’Islam. Les condamnations morales ainsi que les dispositifs politiques et sécuritaires n’ont pas réussi à la contenir. Traquée, canalisée ici, elle resurgit ailleurs. Paris, Bamako et tant d’autres lieux du monde ont récemment été le théâtre des délires qui structurent cette violence extrême. Massacres d’innocents, chasse à l’homme, tortures, razzia, exécutions sommaires, viols, destructions de lieux de cultes, tout y est. Les individus et groupes, auteurs de ces irruptions régulières du mal laissent, derrière eux, des populations traumatisées. Autour de ce choc, de ces peurs, souffrances et inquiétudes du public, se construit un projet de description et d’explication de la violence. Qu’il s agisse de la France ou du Mali, le public, dans un éternel recommencement, demande à savoir, à comprendre. Pourquoi? Comment? L’autorité publique peut elle garantir une non-répétition des attentats et prises d’otages ? La liste des interrogations est longue. Les réponses sont diverses. Ma première remarque est de dire que, certaines questions n’ont pas de réponses. Parce qu’elles ne sont pas des questions. Face à la souffrance des victimes, pointée du doigt pour ses supposés carences et dysfonctionnements, surprise par la découverte de sa vulnérabilité à l intérieur de ses propres frontières, l’autorité publique cherche à montrer qu’elle agit. Elle cède à la tentation de formuler la garantie que l’attentat ne se reproduira plus. Elle affirme haut et fort que la prise d’otage ou la fusillade restera un événement singulier. Personne n’ignore qu’aucun Etat, quelque soit l’efficacité de ses services de police et de renseignement, ne peut être en mesure de garantir à ses citoyens une protection et une sécurité totale. Le risque de se faire violenter, de se faire tuer à chaque coin de rue, ne peut pas être suspendu. Il ne peut pas être réduit à zéro. Il ne s agit pas de verser dans le cynisme. Il s agit plutôt d’un réalisme sain. On rentre ici dans le domaine de l’anthropologie générale. L’homme n’est pas un  » animal doux. Il ne l’a jamais été. Il ne le sera jamais. La violence exercée ou subie est le fondement de la vie sociale. La vie en société est une mesure, une disposition contre la menace de la violence de tous contre tous. Thomas Hobbes l’avait déjà souligné dans son Léviathan. La forclusion totale de la violence dans les rapports sociaux est un mythe. C est à dire un discours faux. Une parole qui cache la réalité. Aucune culture, aucune religion, aucune morale, aucun interdit, aucun tabou, aucun contrat social, aucune révolution, aucun système politique, économique ou juridique n’a réussi à canaliser les pulsions violentes du genre humain. Il y aura toujours, ici et là, des hommes et des femmes prêts à résilier le contrat social et à revenir vers la barbarie. Les livres saints nous racontent un intéressant épisode d’histoire du peuple juif. Sous la conduite du prophète Moise, les Israélites se décidèrent à quitter l’Egypte et leurs conditions d’esclaves pour Canaan, la terre promise. Sur les plateaux du Sinaï, certains Israelites lassés par leur condition d hommes libres, se mirent, en l’absence de Moïse, a façonner un veau d’or. Une façon d’exprimer leur désir de retourner en Egypte, d’articuler leur nostalgie des dieux égyptiens et de leur condition d’esclaves. La nostalgie de la barbarie, de la guerre de tous contre tous, de la condition d’esclave et de brimé, de la servitude volontaire est au cœur de l’histoire humaine. Ma deuxième remarque est dirigée sur la question des causes de la violence. La sociologie des causes de la violence ne peut plus contribuer à l élucidation du phénomène. Il n’y a ici rien de nouveau ; aucune découverte à faire. Tout a été dit et redit. On connait l’hypothèse d’une génétique sociale de la violence. Le lien construit entre crise, précarité économique, disqualification sociale, absence de reconnaissance, expérience du racisme et de la discrimination et la violence n’est pas nouveau. Ce paradigme explicatif des causes de la violence n’a pas été validé par l’histoire. La réaction des dominés au rejet de leurs demandes de respect et de dignité, aux humiliations sociales et à la pauvreté n’est pas nécessairement violente. Ces expériences de la disqualification sociales peuvent constituer des conditions favorables à l’émergence de conduites violentes. Elles peuvent faciliter l’entrée dans la radicalisation et dans la déviance. Elles ne suffissent pas pour expliquer le passage à l’acte. Ce dernier est très complexé. On peut comprendre la colère et la déception qui peuvent résulter du fait que, les valeurs d’égalité, de fraternité, de respect, de tolérance et de solidarité, prônées par la république, ne soient pas accessibles à tous les citoyens. Faire l’expérience de son exclusion de ces valeurs, à cause de la couleur de la peau, de l’appartenance religieuse, peut mettre sous pression l’estime de soi. Cependant, toutes ces expériences fréquentes chez une grande partie des populations européennes originaires de l’Afrique subsaharienne et du nord, n’élucident pas l’énigme du passage à l’acte. D’ailleurs il peut être intéressant pour la compréhension du phénomène de la violence, de se demander pourquoi ceux qui, dans les sociétés occidentales, vivent les mêmes préjugés et difficultés sociales, ne versent pas dans les conduites déviantes? Pourquoi ils ne se radicalisent pas? Pourquoi ils ne se dressent pas contre tout le monde? Pourquoi certains choisissent la prise de parole politique, le travail individuel ou collectif de renversement des stigmates ou de la différence rejetée? Pourquoi ils ne recourent pas au terrorisme? En insistant sur la relation entre structures sociales et violence, la sociologie des causes de la violence fait de l’acteur violent une victime. Ce dernier est une victime de la crise, de la pauvreté, du racisme, de la xénophobie, de l’échec scolaire..etc. Une véritable entreprise d’explication de l’action violente devra étudier son moment, son sens et les motivations de ses acteurs. S’agit-il d’une violence froide? C’est à dire une action, dont l’auteur est animé par une pensée, une idéologie, une croyance à partir desquelles, il met en œuvre stratégies et tactiques. S agit il d’une violence expressive ? C’est à dire une violence chaude, spontanée, colérique et impulsive, dont l origine n’a rien à voire avec la situation où elle s’exprime. Ou bien s agit il d’un mélange du chaud et du froid ? Cette violence exprime- t- elle une solidarité une identité, une appartenance à un groupe ? Voila des questions dont les réponses peuvent aider à comprendre le phénomène de la violence de manière générale et en particulier celle exercée au nom de la religion. S agissant la de violence islamo-criminelle sévissant dans l espace sahélienne, cette zone de plus de 3 000 000 km2 qui part des côtes atlantiques sénégalaises jusqu’ à la mer rouge, le regard de l’expert devra se poser sur l’Etat africain. Il devra étudier ses carences, son incapacité à revendiquer avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Il devra évoquer l’émergence dans ces Etats, de marchés de la violence, d’espaces où se déploient des trafics de tous genres (armes, drogues bois, pierres précieuses). Il devra évoquer le fait que sur ce continent, dans cette région, le droit et la capacité à mener une guerre, un conflit armé n’est pas le monopole de l’Etat. Elle est accessible à tout le monde. Elle ne nécessite aucune compétence ou formation militaire. Serigne Babakar Diop Francfort / M. Allemagne
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