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    Affaire Yves Kanfany : «Le mort a désigné ses assassins»

    1 janvier 1970 by Logitrans0News

    By Babacar Touré Deux semaines après l’assassinat du soldat Yves Raymond Kanfany, beaucoup d’eau a coulé dans le fleuve Casamance emportant avec elle autant de supputations. Et, à Guidel, les derniers torrents de pluies ont enlevé toutes les traces, de sang, visibles sur le site où le corps du militaire a été retrouvé. Poussiéreuse, il y a quelques semaines, la zone, peu à peu, a recommencé à vivre, en témoignent les petites herbes visibles des kilomètres à la ronde. Même si le climat est lourd de suspicions… Comme si un drame n’était jamais survenu là, les populations continuent de vaquer à leurs occupations. Chaque jour, par Jakarta –Moto- ou par bicyclette, parfois à pieds, ils se présentent devant le cantonnement militaire de Soukouta, y laissent leur pièce d’identité avant d’entrer « en profondeur». Ils les récupéreront à leur retour des profondeurs de la route du golf. La « profondeur», c’est la zone de non droit où les combattants en armes circulent et font valoir leur règle.  » C’est la limite de l’Etat de droit», a déclaré un habitant. « Ici, mêmes les militaires sont obligés de se déplacer en groupe et armés pour ne pas tomber sur des ennemis», renseigne-t-on du coté de l’armée. Soukouta, c’est aussi le dernier village où l’Etat du Sénégal exerce l’entièreté de sa souveraineté et, sauf urgence absolue, aucun civil ne peut aller plus loin. « C’est une zone d’insécurité, nous ne pouvons pas vous laisser aller plus loin. S’il vous arrive un malheur ici je serai le premier responsable», nous a martelé le sergent, commandant le cantonnement. Après Soukouta, c’est le mythique village de Bambadinka, ensuite c’est Guidel, Kampou et on devait arriver à un carrefour à la gauche duquel se trouve Bofa. Cantonnement militaire, Bofa était la dernière affectation du soldat Kanfany. Un cantonnement qu’il avait, officiellement, quitté quelques jours avant sa mort. « Il devait partir faire son CAT 2 à Dakar. Avec ce diplôme, il devait passer Sergent et certainement devenir le chef de ce cantonnement qu’il connaît si bien», nous a confiés un de ses frères d’arme avec qui il a partagé des théâtres d’opération en République Démocratique du Congo. Cette promotion aurait-elle pu faire naitre des jalousies parmi les hommes de rang ? « Yves était sorti de Bofa et était venu à Ziguinchor pour se rendre à Dakar. Mais, il nous a dit que ses camarades, à la base, avaient besoin de lui. Et il devait retourner à Bofa régler un problème la bas». A déclaré un membre de la famille Kanfany. Qui est cet ami ? Et pourquoi avait-il demandé au soldat Kanfany de revenir à Bofa? A l’étape actuelle de notre enquête, nous n’avons rien là dessus. Seule la réquisition, à la Sonatel que la gendarmerie ne va pas manquer de faire, pourra éclaircir ce point. En attendant, se fondant sur ce point sombre de l’enquête et après avoir procédé au Kadjine –une cérémonie Mankagne au cours de laquelle on interroge le mort sur les raisons de son décès- les Kanfany ont la conviction que « ce sont ses camarades militaires qui ont tué Yves Kanfany». « C’est Yves, lui-même, qui a parlé. Et il nous a dit que ce sont ses camarades soldats qui l’ont tué», a déclaré un oncle du défunt. C’est quoi le Kadjine ? Le Kadjine en pays Mankagne est un cérémonial qui se fait le lendemain de l’enterrement du mort. Il consiste à déterminer les causes du décés. Quand quelqu’un meurt -et surtout lorsque sa mort est suspecte-, les Mankagne procèdent toujours par le Kadjine. Pour cela, ils coupent des herbes qu’ils placent sur une planche et recouvrent ces feuilles représentant le défunt avec un tissu. Ensuite, des hommes valides sont désignés pour porter ce brancard et, en face, un sage procède à l’interrogatoire du mort. « C’est le « corps» porté par les hommes qui répond aux questions posées», nous a soufflé un oncle du défunt alors que nous étions témoins de ce spectacle solennel auquel nous ne comprenons rien. « Si le responsable de la mort de l’individu était sur les lieux, le cercueil aurait orienté les porteurs vers cette personne». Pour nous profanes, nous n’avons constaté que les titubations dans tous les sens des porteurs. Ensuite, la famille s’est réunie et a décidé qui doit « hériter» de Yves Raymond Kanfany. Hériter, ici, signifie devenir responsable de la famille de Yves et veiller à la bonne éducation des enfants comme à la sauvegarde de ses biens. « Le Kadjine n’est pas une science exacte, mais c’est notre tradition. Il a toujours été organisé pour régler nos differents. Alors, même si de plus en plus de gens commence à lui tourner le dos, la société Mankagne y est encore attachée». Nous a soufflés un sage.
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