By Abdoulaye Fall On parle peu d’elles, à la limite leur funeste condition reste peu connue du grand public. Ces femmes qui sont nos mères, nos sœurs, nos épouses souffrent pourtant profondément dans leur chair. Elles sont condamnées à marcher l’échine courbée au sein d’une société qu’elles ont pourtant tenté d’enrichir en donnant la vie. Il leur est dénié le droit de se mouvoir, de fréquenter les milieux admis à tout à chacun. D’elles, on ne retient que des femmes empestant l’urine et les excréments. Cette réputation leur colle à la peau telle la malédiction de Cham. Elles, ce sont les femmes victimes de fistule obstétricale. Derrière ce jargon médical ésotérique, peu familier aux non initiés, se cache une terrible maladie dont l’atrocité se mesure l’aune des supplices psychiques et physiques qu’elle cause à ses victimes qui ne sont hélas que des femmes. Mais de quoi s’agit-il exactement? De manière triviale, la fistule obstétricale survient d’ordinaire pendant un accouchement prolongé, quand une femme n’obtient pas la césarienne qui serait nécessaire. Il s’agit de la constitution d’une communication anormale (une fistule) entre la vessie et le vagin (fistule vésico-vaginale) ou entre la vessie et le rectum (fistule vésico-rectale) survenant à la suite d’une grossesse compliquée. Relativement à ses causes, les mariages précoces sont convoqués au banc des accusés, car ceux-ci engendrent naturellement des grossesses précoces. L’accouchement laisse ainsi des séquelles grave du fait d’un développement insuffisant du bassin de la jeune fille qui ne permet pas le passage aisé du nouveau-né. Lorsque leurs pairs s’enorgueillissent de parfums de marque et d’encens enivrant, les femmes victimes de fistule obstétricale doivent se résoudre à dégager une mauvaise odeur due à la présence d’urine et/ou de selles dans leurs vêtements. Elles font l’objet de rejet de la part de leur époux ou de leur partenaire. Elles blâmées de leur état et évitées par leur communauté comme la peste. Dans nos les villages les plus reculés, elles sont confinées à un cercle de rejetées. Impossible pour elles d’imaginer leur vie à côté d’homme en tant qu’épouse. Les femmes non soignées non seulement peuvent s’attendre à une vie de honte et d’isolement, mais risquent aussi de connaître une mort lente et prématurée pour cause d’infection et d’insuffisance rénale. A l’heure actuelle, on estime que chaque année, dans le monde, 50 000 à 100 000 femmes présentent une fistule obstétricale, à savoir une brèche de la filière pelvi-génitale. En Asie et en Afrique subsaharienne, plus de 2 millions de jeunes femmes vivent avec des fistules obstétricales non traitées. L’apparition d’une fistule obstétricale est d’ailleurs directement liée à l’une des principales causes de mortalité maternelle. Il y’a alors de quoi s’inquiéter … Emile de Girardin dans  » Pensées et maximes s’exprimait en ces termes: Par la maternité, la femme se relève et s’élève. Elle n’est plus irresponsable et désœuvrée. Elle tient dans ses mains — elle le sait — l’œuvre de l’avenir, et elle en répond. La trame qu’elle ourdit est celle de l’humanité. La fonction qu’elle accomplit est la plus haute, la plus noble, la plus difficile de toutes les fonctions. A l’instar de la communauté internationale, le Sénégal, à travers le ministère de la Santé et de l’Action sociale célèbre, ce lundi, la Journée internationale de la fistule obstétricale. “Mettre fin à la fistule le temps d’une génération”, tel est le thème de cérémonie. Vivement la traduction en acte de ce slogan pour qu’enfin celles qui accomplissent la plus difficile de toutes les fonctions ne soient plus victimes d’une société peu reconnaissante. Abdoulaye FALL [email protected]