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    Les intellectuels pris dans le labyrinthe de la perception ( Par Alassane K. KITANE )

    1 janvier 1970 by Logitrans0News

    By El Malick Faye » Les illusions sont à coup sûr des plaisirs coûteux ; mais la destruction des illusions est encore plus coûteuse. » Nietzsche Ne voit-on pas que les individus sont dopés lorsqu’ils sentent qu’il y a autour d’eux une foule ou un public ? Ne voit-tu pas que les racines psychologiques de la violence ne sont pas forcément le courage et l’abnégation ? Beaucoup d’individus se croient réellement courageux alors qu’ils sont juste dopés par l’élan de la foule. Les orateurs vivent parfois cette impression d’être tirés par une force surnaturelle lorsqu’ils sont acclamés par la foule. C’est qu’il y a une relation magnétique entre les individus et la foule : plus on est convaincu d’être membre d’une communauté invincible, davantage on a tendance à la renforcer en risquant des actions dont l’absurdité et la caractère injustifiable ne font l’ombre d’un doute. Ce que les individus font dans la foule est incommensurablement au-dessus de leurs forces mentales et physiques, ils agissent comme des sportifs dopés. On ne voit malheureusement pas que la valeur intrinsèque du discours et de la conviction d’un individu peut être erronée si elle est mesurée par son succès dans le groupe. Il y a tellement d’hommes sages et de savants qui se sont sacrifiés pour des causes erronées et illusoires ; il y a tellement d’intellectuels qui ont adhéré à des causes par opportunisme ou par peur ; il y a tellement de contrevérités entretenues par des élites pour leur propre salut, mais sous la couverture morale de celui du peuple. Max Weber a dit :  » Quiconque veut instaurer par la force la justice sociale sur terre a besoin de partisans, c’est-à-dire d’un appareil humain. Or cet appareil ne marche que si on lui fait entrevoir les récompenses psychologiques ou matérielles indispensables, qu’elles soient célestes ou terrestres. Tout d’abord les récompenses psychologiques : dans les conditions modernes de la lutte des classes, ce sont la satisfaction de ses haines ; de ses vengeances, de son ressentiment surtout et de son penchant pseudo-éthique à avoir raison à tout prix : par conséquent assouvir son besoin de diffamer l’adversaire de l’accuser d’hérésie. Ensuite les récompenses matérielles : aventure, victoire, butin, pouvoir et prébendes. Le succès du chef dépend essentiellement du fonctionnement de son appareil. C’est pourquoi il dépend également des motifs qui animent les partisans et non de ceux qui l’animent lui personnellement. Son avenir dépend donc de la possibilité de procurer, de façon durable, toutes ces récompenses aux partisans dont il ne peut se passer, qu’il s’agisse de la garde rouge, de mouchards ou des agitateurs. » Le savant et le politique Il ressort de ce propos du sociologue allemand que les motivations de l’adhésion des foules à une cause ne sont pas forcément rationnelles, elles ne le sont généralement pas d’ailleurs. La grande aventure de l’humanité, c’est aujourd’hui la tendance à juger la vérité par l’approbation de la foule et non en fonction des exigences logiques et expérimentales. La rumeur permet de comprendre les motivations profondément inconscientes de l’alignement des foules sur une position ou à une cause. Quand une rumeur se répand, son caractère plausible ne se mesure plus à l’aune de la raison mais proportionnellement à son ampleur : plus elle attire des adhérents, davantage la rumeur prend des airs de vérité. Si la rumeur peut avoir une telle force, à fortiori une cause qui peut avoir une apparence rationnelle. C’est malheureusement cela le problème de la perception : elle se substitue à la réalité dont elle n’est pourtant qu’une intuition plus ou moins confuse. L’idée la plus saugrenue peut faire des ravages dès lors qu’elle est perçue par ceux qui adhèrent comme leur voie de salut. Le fait que des membres d’une secte fassent aveuglément allégeance à leur gourou au point de décider de mourir avec (ou pour lui) lui dans la certitude de rencontrer leur seigneur en est une parfaite illustration. Les inepties peuvent donc avoir plus d’efficience sociale que la science, mais à cette différence que la science est patiente dans le recueil des données, méthodique dans leur analyse et assurée par leur évaluation à l’aune du réel. On oublie souvent que le dévouement à une cause peut avoir une apparence désintéressée dans les faits, mais profondément intéressée : les motivations psychologiques. Les motivations matérielles sont certes plus manifestes dans ce type de mouvement populaire, mais par forcément plus déterminantes. Les défavorisés, les rejetés du système, les laissés pour compte, mais aussi les aigris, les revanchards et les pyromanes adhèrent à des causes pour assouvir soit des intérêts matériels soit des intérêts psychologiques. Mais les intellectuels sont parfois les pires éléments de ce mouvement des foules dont le principal levier est la furie. Un intellectuel qui a peur n’en est pas ; un intellectuel qui court derrière la célébrité et le plébiscite est un voyou médiatique ; un intellectuel qui a peur de la mort est un cadavre dans le corps duquel est placé un magnétophone ; un intellectuel qui profite de ses diplômes ou connaissances pour assouvir le désir de vengeance est un cancer pour sa société. Etre insulté, persécuté, massacré, trahi et vilipendé par ses amis et collaborateurs, être marginalisé, être isolé : voilà la rançon du courage intellectuel. Dès qu’il y a un atome de calcul de la prudence dans les prises de position d’un intellectuel, il a apostasié. L’honnêteté d’un intellectuel ne se mesure pas par son adhésion ou non à des causes prétendument populaires, elle​ se mesure en termes de cohérence : défendre ce qu’on croit être juste, défendre les principes sans chercher à plaire ou à déplaire. On ne peut pas changer la vérité en fonction des personnages, c’est l’inverse qui doit être le principe des hommes de caractère. Claude Lévi-Strauss a proposé le modèle de la machine pour expliquer les crises et les phénomènes d’exclusion sociale. Toute machine qui fonctionne produit des déchets ; et davantage elle est complexe, rapide (en termes de besoins, de consommation, d’innovation) plus elle secrète des déchets. La société a également ses déchets : les désabusés et les exclus de la société ont tous une dent contre elle. C’est exactement sur ces exclus de la société que misent les imposteurs et autres populistes : ils leur offrent des leviers pour se venger de la société, des voies pour déverser leur mécontentement sur la place publique. L’expression (parfois violente malheureusement) de ces déflatés sociaux peut être une forme de thérapie : il faut parfois périr de ses illusions pour renaître lucide. Le travail de l’éducation doit consister à convaincre ces rejetés sociaux que leur situation n’est pas forcément une injustice (contrairement à ce que prétendent les populistes), qu’elle n’est pas non plus une fatalité, qu’ils peuvent la vaincre moyennant la patience, le labeur et le dévouement à sa communauté dans des œuvres utiles. La société fonctionne comme le corps humain qui est obligé parfois de réprimer certains désirs dangereux pour l’équilibre social et mental de l’individu. Mais la répression ne saurait être la règle, il faut trouver des compromis, c’est-à-dire des voies de satisfaction qui ne menacent pas forcément l’équilibre social et la cohésion entre ses membres. Ce moyen est pour la société, l’éducation ! Une société capable de faire allégeance à des personnages aussi loufoques que ceux qui promettent de fendre les océans ou d’envoyer une armée de djinns au palais est profondément en crise d’éducation. Les crises politiques avec la violence qui leur sert de langage ne sont finalement que les symptômes de cette crise de l’éducation. Alassane K. KITANE
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